Association de la guerre électronique de l’armée de terre
Le suivi de la bataille de la Marne par les écoutes secrètes françaises - journée du 4 septembre 1914
4 septembre 2013.
En ce tout début de journée, Von KLUCK propose à Von BÜLOW de faciliter le passage de la Marne pour le 1° CC par un télégramme adressé également au GQG et à la III° armée :
« Au cas où ponts Est Château-Thierry sautés, on propose pour 1° CC passage à Château-Thierry après accord avec 9° CA. Signé commandant en chef 1° armée » .
En vue de coordonner leur action, la III° armée, en réponse à une question de la I° armée, lui adresse un télégramme ainsi qu’à la II° armée et au GQG :
« 12° et 19° CA prennent possession nuit du 3 au 4 passages de la Marne, Tours-sur-Marne (Nord-Ouest Châlons-sur-Marne) jusqu’à Châlons-sur-Marne. 12° Corps de réserve prend dès 3 septembre Front Est de Reims. QG 12° Corps de réserve Pontfaverger-Moronvilliers (Est Reims), 12° CA Livry-Louvercy (sud-Ouest Mourmelon-le-Grand), 19° CA Mourmelon-le-Grand. Commandant en chef le 4 après-midi BETHENVILLE (Est Pontfaverger-Moronvilliers) » .
Dans la matinée, la prise de Reims est annoncée dans un compte rendu de la II° armée :
« Reims pris. Aile droite à peu près Reims, Tours sur Marne (Sud-Est Reims) »
Et de préciser les circonstances en début d’après-midi :
« Reims attaqué le 3 par l’Ouest par le Corps de la Garde et par l’Est par 23° Division réserve (3° armée), s’est rendu à 3° armée. Tout le Corps de la Garde est employé au Sud de la Marne » .
Pour JOFFRE, cette journée s’annonce décisive. S’attelant dès le début de la matinée à susciter les conditions de la participation anglaise à sa manœuvre, il fait ensuite un point de situation avec son état-major pour arrêter les dernières mesures à prendre. On lui apprend le glissement de l’aile droite allemande vers le Petit-Morin, menaçant ainsi l’aile gauche de la 5° armée qui poursuit sa retraite.
Les échanges de télégrammes des I° et II° armées avec le GQG en attestent : La II° armée rend compte au GQG de son avancée et de son intention jusqu’au lendemain midi :
« 2° armée atteint le 4 Pargny-la-Dhuis (Sud-Est Château-Thierry), Epernay et gagne jusqu’au 5 midi Montmirail (Sud-Ouest Château-Thierry), Vertus (Sud Epernay) » .
Von KLUCK continue d’éclairer son corps de cavalerie en lui faisant parvenir des renseignements sur l’ennemi :
« Coulommiers (Sud La Ferté-sous-Jouarre) libre. Rebaix (Sud-Est La Ferté-sous-Jouarre), Montmirail (Sud-Est Château-Thierry) combats. Colonne se retire de Montmirail vers le Sud. Signé commandant en chef 1° armée » .
Et de rendre compte au GQG en informant la II° armée :
« BD pour transmettre à Commandement Suprême. Pousse centre sur la Ferté-sous-Jouarre, couvre avec 2° et 4° Corps de réserve flanc droit région Nanteuil-le-Haudouin. Dans fractions ennemies indices de débandade. Commandant en chef armée à La Ferté-Milon (Sud Villers-Cotterêts). Signé commandant en chef 1° armée » .
La situation de la 5° armée continue d’inquiéter JOFFRE. Outre sa situation tactique, il s’interroge sur les capacités de cette armée à faire volte-face et à reprendre l’offensive le 6 ou le 7 septembre. Aussi consulte-t-il FRANCHET d’ESPERAY, qui a remplacé LANREZAC à la tête de l’armée. Il fait de même avec FOCH dont le détachement est devenu 9° armée suite aux renforts reçus des armées du front de l’Est. En fin d’après-midi, les réponses des deux commandants d’armée et des éléments d’information relatifs à une coopération entre les 5° et 6° armées avec les Anglais rassérènent JOFFRE.
Pour la I° armée, après un mois de campagne, les difficultés en ravitaillement se font sentir, même si les armées des deux camps vivent plus ou moins sur la population dans les zones qu’elles occupent. Le problème des munitions, notamment d’artillerie, est plus crucial. Le renouvellement des effectifs suite aux pertes l’est tout autant. D’où cette demande de Von KLUCK au GQG pour faire venir des trains jusqu’à lui, d’autant que son axe de marche a été changé par rapport au plan SCHLIEFFEN :
« A chef des chemins de fer de campagne Luxembourg. Situation complètement changée. On demande maintenant voie ferrée Cambrai, Saint-Quentin, Chauny, Soissons, Bazoches, Château-Thierry. Détail concerté avec direction chemin de fer militaire Bruxelles. Prière transmettre au plus vite » .
Afin de délimiter la zone des opérations pour chaque armée, le GQG fixe les limites entre chacune d’entre elles. Ce type de renseignement revêt une grande importance pour JOFFRE, car ces limites représentent souvent une zone critique qui peut s’avérer déterminante si celle-ci est détectée comme un point faible. De telles limites ont été adressées en tout début de soirée à la III° armée tout lui en indiquant également la position des I° et II° armées :
« 3° armée avance sur Troyes, Vendeuvre-sur-Barse (Est Troyes). C’est à 4° armée qu’appartient la route par Vitry-le-François (Sud-Est Châlons-sur-Marne) Est de la Marne. 1° et 2° armées restent entre Oise et Seine devant front Est de Paris. Aile gauche 2° armée marche par Vertus (Sud Epernay), Fère-Champenoise (Sud Vertus, Est Sézanne) sur Mery-sur-Seine (Est Romilly-sur-Seine). Signé Moltke » .
Suite à cette transmission Von HAUSEN réagit, notamment sur l’ordre « III° armée avance sur Troyes ». Ces troupes sont exténuées après un mois de combat. Aussi alerte-t-il le GQG en indiquant à 19h58 :
« Troupe besoin urgent d’un jour de repos » .
Cela ne l’empêche cependant pas de fournir un compte rendu d’observation aérienne au GQG à 20h00 :
« Observations aviateur 4 heures après-midi. Sur routes Epernay, Chaltrait (Sud Epernay), aux bois de Courjeonnet (Nord-Est Sézanne), colonne longue de 14 kilomètres. Vertus, Fère-Champenoise, Euvy (Sud-Est Fère-Champenoise), colonne longue de 8 kilomètres. Nombreuses localités autour Vertus occupées par ennemi. Routes Châlons-sur-Marne, Bergères-les-Vertus (Sud Vertus) et Châlons-sur-Marne, Fère-Champenoise libres. Autres détails suivent » .
Et de s’inquiéter de la situation de la II° armée :
« Notre aile gauche le 5 La Chaussée-sur-Marne (Sud-Est Châlons-sur-Marne). Comment va la situation là-bas ? » .
A 21h47, le Commandement Suprême donne ses directives aux I° et II° armées :
« 1° et 2° armées restent en face front Est de Paris. 1° armée entre Oise et Marne occupant passages de Marne Ouest Château-Thierry. 2° Armée entre Marne et Seine occupant passages de Seine entre Nogent-sur Seine et Méry-sur-Seine inclus. 3° armée a comme direction de marche Troyes » .
Ces ordres sont le prolongement de ceux adressés le 2 à minuit.
De même, il fixe les missions des IV° et V armées :
« 3° armée avance sur Troyes, Vendeuvre-sur-Barse. Du côté de l’ennemi en face de nos 6° et 7° armées, transport par voie ferrée reconnus. 4° et 5° armées doivent, par une avance accélérée en direction du Sud-Ouest ouvrir aux 6° et 7° armée les passages de la Haute Moselle. Aile droite 5° armée avance par Revigny-sur-Ornain (Nord Saint-Dizier), Stainville (Est Saint-Dizier), Morley (Sud-Est Saint-Dizier) avec aile gauche sûreté contre fortifications de la Moselle. Prise des forts de Troyon et les Proches (tous Nord-Ouest Saint-Mihiel), camp des Romains sur coteau Est Saint-Mihiel » .
Face aux renforts que JOFFRE fait acheminer par chemin de fer pris sur ses armées de son aile droite sur le front de l’Est au profit de son aile gauche à l’Ouest, et notamment pour la 6° armée de MAUNOURY, le Commandement Suprême a vu dans cette manœuvre un danger qu’il souhaite annihiler par une attaque pour fixer les forces françaises en complément de l’ordre donné, le 2 septembre à minuit, au I° et II° armées de détruire les voies de chemins de fer qui vont à Paris.
Dans la soirée, JOFFRE signe l’ordre général n° 6 qui prévoit l’attaque générale pour le 6 septembre. Peu de temps après, il est alerté sur de nouvelles tergiversations de FRENCH qui ne vont pas sans poser de graves problèmes du fait de la diffusion déjà réalisée des ordres.
A suivre demain...
J-M D