Association de la guerre électronique de l’armée de terre
La parole est aux militaires
2 août 2013.
Après le temps du politique, la parole et l’action sont entre les mains des militaires. Chacun des états-majors a travaillé sur la planification de l’engagement de ses forces.
La planification des opérations
Côté allemand, il s’agit du plan Schlieffen qui prévoit un large débordement par la Belgique tout en faisant face aux troupes françaises sur la frontière afin de contourner celles-ci par le nord-ouest mais aussi l’ouest et le sud de Paris et prendre l’armée française à revers.
Côté français, il s’agit du plan XVII qui prévoit les troupes massivement concentrées sur la frontière face à l’Allemagne avec pour objectif une offensive décisive permettant notamment de reconquérir l’Alsace-Moselle tout en se couvrant face au nord.
A la tête des armées allemandes, Von MOLTKE ; pour conduire la destinée des armées françaises, le général JOFFRE.
L’attaque allemande par la Belgique surprendra quelque peu les Français, même si cette option avait été envisagée grâce au service de renseignement (SR). En effet, dès 1904, un officier allemand, qui voulait se venger (d’où son pseudonyme « le Vengeur » donné par le SR français) de certaines injustices dont il aurait été victime, était venu spontanément vendre à l’état-major français un document relatant les grandes lignes du plan Schlieffen. De même l’Etat-Major de l’Armée (EMA) disposait d’un rapport daté de 1908 élaboré par le colonel LUDENDORF (alors chef du bureau mobilisation du Grand Etat-Major allemand) relatif aux opérations d’ensemble du plan Schlieffen et au programme arme par arme pour le conduire à bien. Enfin à la veille de la guerre, l’EMA avait entre les mains le plan de concentration de l’armée allemande face à l’ouest révélant notamment l’intention de marcher sur Paris par le plus court chemin : la Belgique et l’axe de l’Oise.
Malheureusement, la prise en compte de ces renseignements par les officiers d’état-major fut beaucoup trop timorée ; ce qui fit dire au général DUPONT ancien chef du 2ème bureau du Grand Quartier Général : « si les résultats obtenus par notre Service de Renseignements furent parfois vains, c’est parce qu’ils ne trouvaient aucun crédit auprès de certains officiers imbus d’idées a priori et enclins à raisonner sur une Allemagne imaginaire, création de leur esprit trop logique ».
L’évolution des technologies
Mais ce début du XXème siècle est aussi celui de l’explosion de nouvelles technologies et notamment de la télégraphie sans fil ou TSF. Les initiatives foisonnent dans tous les grands pays. En France, le capitaine FERRIE, polytechnicien de l’arme du Génie, initie le développement de la radio à des fins militaires.
Il s’appuiera en particulier sur la tour Eiffel comme émetteur principal pour réaliser un réseau de stations de grande puissance (Paris, Lyon et Bordeaux) en liaison avec les stations des places fortes du nord et de l’est (Maubeuge, Verdun, Toul, Epinal et Belfort).
Il développe également la mise en place de stations TSF au sein des armées. Parallèlement aux moyens radioélectriques, un réseau téléphonique innerve la zone des opérations depuis Paris. Ces capacités s’avèreront déterminantes pour la conduite des opérations.
En Allemagne, des évolutions similaires ont également lieu. Pour assurer leurs communications, les armées allemandes sont relativement bien dotées en stations TSF. C’est notamment le cas des I°, II° et III° armées chargées du mouvement enveloppant, car le grand état-major anticipe la destruction des réseaux téléphoniques belges et français au fur et à mesure de la progression de ses armées.
Dès le début des opérations le 3 août à travers la Belgique, les Allemands ont recours à leurs moyens TSF. Les premières écoutes des radiocommunications allemandes depuis la tour Eiffel seront réalisées le 20 août.
Lorsque la guerre éclate en août 1914, le système de chiffrement allemand UBCHI est connu des Français. La section du chiffre avait réussi à mettre au point une méthode permettant de reconstituer la clé sur une base de trois télégrammes, fournis par les écoutes, même courts mais de longueur similaire. La masse de télégrammes interceptés permet à la section du chiffre de reconstituer les clés de chiffrement allemandes et de les diffuser aux différents échelons de commandement français autorisant ainsi l’exploitation du renseignement tiré des écoutes, et notamment de connaître les intentions de l’ennemi.
L’avancée allemande jusqu’à la bataille de Guise
Le 3 août, la frontière belge est franchie par les troupes allemandes qui ne rencontrent aucune résistance jusqu’à la Meuse faiblement défendue à l’exception des places fortes de Liège et de Namur. Mais la majeure partie des ponts est détruite. Cela créera des embouteillages importants limitant la vitesse d’écoulement des forces allemandes en direction de l’ouest.
Malgré des combats héroïques pour la défense de Liège qui dureront du 4 au 17 août, l’essentiel de l’armée belge se replie en direction de Bruxelles puis, plus tard, vers Anvers d’où elle partira début octobre pour rejoindre les forces franco-anglaises dans la région d’Ypres. Néanmoins, son action aura ralenti l’avance allemande d’environ huit jours et retenu des forces pour réduire les dernières résistances.
La route étant libre, les Ière, IIème et IIIème armées allemandes s’engouffrent dans l’espace disponible en direction de Maubeuge et de Charleroi pour les deux premières, de Dinant pour la troisième.
Pendant ce temps, sur la frontière franco-allemande, le début des hostilités, le 7 août, est marqué par une offensive française en Alsace (7° Corps puis Armée d’Alsace) et le 14 août en Lorraine (1ère et 2ème armées) visant à fixer les forces allemandes avant de faire effort au centre de leur dispositif. Mais rapidement, c’est la désillusion malgré quelques succès locaux comme en Alsace. Le 21 août l’ordre de retraite est donné.
Le 21 août, les Français lancent leur offensive en direction des Ardennes belges et du Luxembourg avec les 3ème et 4ème armées. Là encore, après quelques combats victorieux, les deux armées doivent se replier.
Concomitamment, la 5ème armée française devait, elle aussi, prendre l’offensive au nord de la Sambre entre Charleroi et Namur en étant renforcée par des troupes venant du front Est ( prélevées à la 2ème armée) et couverte sur sa gauche par le Corps Expéditionnaire Britannique (CEB).
Cette offensive ne put être lancée comme prévue le 20 août en raison des délais dus au regroupement des éléments arrivant de l’Est et à la mise en place du CEB dans la région de Mons ; la date étant repoussée au 23 août.
Mais le 21, elle subit, sur son front, l’attaque de la IIème armée allemande au sud de la Sambre qui se dirige sur Charleroi ainsi que celle, sur sa droite, de la IIIème armée allemande à partir de Dinant.
Dans la soirée, la 5ème armée se repli de quelques kilomètres afin de donner du temps au CEB pour déboucher de Mons et à la 4ème armée de couvrir sa droite en progressant vers le nord. Face au trou laissé entre l’aile gauche de la 5ème armée et les Anglais, le général LANREZAC engage le Corps de Cavalerie du général SORDET.
Heureusement pour la 5ème armée, le 22 août, la IIème armée allemande progresse méthodiquement, non sans une certaine prudence, révélant ainsi la personnalité de son chef : Von BÜLOW. Il demande à la Ière armée de couvrir sa droite sans s’éloigner de Maubeuge alors que cette armée est chargée du mouvement d’enveloppement. De même, il sollicitera la IIIème armée pour couvrir sa gauche en lui demandant de franchir la Meuse.
Le 23, la bataille reprend. Malgré la circonspection persistante des Allemands, le front de la 5ème armée cède, alors même qu’elle est menacée sur sa droite après l’irruption des premiers éléments de la IIIème armée qui ont franchi la Meuse au sud de Dinant. La retraite vers le sud est inévitable d’autant que la 4ème armée a dû, elle aussi, marcher vers le sud en repassant la Semoy.
Le CEB n’a pas de meilleure fortune. Il doit lui aussi reculer.
Le 24, le général LANREZAC rétablit son dispositif entre Beaumont et Givet tandis que les Anglais se replient sur la ligne Valenciennes-Maubeuge, dont la place forte sert de point d’appui aux forces de l’Entente.
Le 25, la retraite se poursuit sans pression particulière de la part de la IIème armée qui semble surtout préoccupée d’échanger du temps au profit d’un gain de terrain par l’aile marchante (Ière armée). La place forte de Maubeuge et sa garnison sont abandonnées à leur sort malgré le fait que la place assurait une liaison TSF de grande puissance avec la tour Eiffel pour renseigner le GQG sur la situation locale. Lorsque la baisse de trafic ou l’absence de communication urgente le permettaient, elle s’attachait à écouter les réseaux radiotélégraphiques allemands ; elle cessera cette mission annexe avec sa capitulation le 8 septembre.
La 5ème armée se rétablit sur la ligne Avesnes-Marienbourg et les Anglais entre Landrecies et Cambrai.
Plus au nord-ouest, une autre place forte va faire l’objet de tergiversations : Lille.
Le 1er août, la place avait été déclarée ville ouverte. Le 21, le général HERMENT reçoit l’autorisation d’organiser une défense permettant de mettre la garnison à l’abri d’un coup de main. Cette défense s’intégrait dans un dispositif plus large avec le groupement de divisions territoriales du général d’AMADE dont les quatre puis six divisions avaient en charge le secteur entre Dunkerque et Maubeuge. Mais le 25 août, le général d’AMADE fait savoir que Lille doit être considérée comme ville ouverte, le matériel doit être évacué et les effectifs consacrés à sa défense reçoivent l’ordre de s’installer en barrage entre la Bassée et Aire-sur-la-Lys (soit près de 20 à 30 kilomètres plus à l’ouest).
Le 26, le CEB est attaqué sur sa gauche dans la région de Cambrai et menacé d’enveloppement. L’intervention du Corps de Cavalerie du Général SORDET lui permet de se dégager et de se replier en direction de Saint-Quentin, puis au sud de l’Oise entre Chauny et la Fère atteints le 28.
Quant à la 5ème armée, elle poursuit sa retraite et passe au sud de l’Oise à son tour, le 27, entre Guise et Aubenton. Le général LANREZAC prévoyait, pour le lendemain, de continuer sa marche vers le sud pour atteindre la ligne Ribemont-Montcornet.
Mais le général JOFFRE lui ordonne de lancer une contre-attaque sur l’aile droite allemande en direction de Saint-Quentin afin de soulager les Anglais.
Pour la 5ème armée, le 28 sera consacré à adapter son dispositif afin de conduire cette contre-attaque.
A partir du 29 août, les écoutes françaises vont suivre d’heure en heure l’évolution de la situation vue côté allemand contribuant ainsi à une vision claire du GQG sur les évènements.
Lire la suite à partir du 29 août.
J-M D
Bibliographie de référence :
- La première guerre mondiale du Général J.E. VALLUY avec la collaboration de Pierre DUFOURCQ – Larousse 1968
- JOFFRE de Arthur CONTE – Club France Loisirs avec l’autorisation des éditions Olivier Orban 1991
- La guerre racontée par nos généraux du maréchal FAYOLLE et du général DUBAIL – Librairie Schwartz 1921
- Le service de renseignement 1871-1944 de Henri NAVARRE – Plon 1978
- carte des plans Schlieffen et XVII extraite de "La première guerre mondiale" de Gary Scheffield - éditions De Noyelles