Association de la guerre électronique de l’armée de terre
LES FORCES SPÉCIALES N’ONT PAS VOCATION À DEVENIR UNE « QUATRIÈME ARMÉE »
29 novembre 2013.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, M. PUEYO, député de l’Orne, rapporte que les conditions dans lesquelles sera opéré le renforcement des forces spéciales prévu par le Livre blanc ne doivent mettre en péril l’équilibre qui prévaut aujourd’hui dans leur articulation avec les armées, et notamment avec les forces terrestres. De ce point de vue, transférer un régiment en un bloc aux forces spéciales pour atteindre la cible de croissance de 1 000 hommes ne semble pas souhaitable. Il en va autant de l’intérêt des forces spéciales que de celui des forces terrestres.
Ce renforcement doit s’effectuer en visant le maintien de l’excellence des forces spéciales. Aussi la qualité du recrutement et la technicité des compétences doit-elle être préservée.
En règle générale, les forces spéciales préfèrent un sous-effectif plutôt qu’un recrutement ne correspondant pas à leurs critères, car elles tiennent à maintenir un haut niveau de sélection.
Les taux de sélection au recrutement dans les forces spéciales sont en effet très stricts. En moyenne, 52 % pour les engagés volontaires de l’armée de terre candidats sont retenus, ce taux ne s’élevant qu’à 10 à 15 % pour les sous-officiers et officiers de l’armée de terre ; il ne dépasse pas 2 % pour les fusiliers-marins qui souhaitent devenir nageurs de combat.
De même, il importe d’assurer également le maintien d’une activité en « haut de spectre ».
En effet, un accroissement incontrôlé du volume des forces spéciales, ayant un impact à la baisse sur leur niveau de spécialisation et de technicité, aurait pour conséquence probable un risque d’usage des forces spéciales en dehors du champ défini par leur doctrine d’emploi, c’est-à-dire hors du « haut du spectre » des missions militaires.
Pour le rapporteur, une « banalisation » de l’emploi des forces spéciales serait contraire à ce qui fait leur spécificité au sein des armées. Comme l’a reconnu devant le rapporteur le général de Saint-Quentin, la tentation a pu exister dans le passé pour les chefs opératifs, avant que notre système de forces spéciales n’atteigne son degré actuel de maturité, d’utiliser la composante « forces spéciales » pour des opérations qui ne relevaient pas par nature de leur créneau de compétence. Toutefois, selon lui, l’articulation entre les forces spéciales et les forces conventionnelles est de plus en plus fluide, et les créneaux d’emploi de chaque composante d’une force interarmées de théâtre – composantes « terre », « mer », « air » et « forces spéciales » – sont désormais tout à fait clairs, comme en a témoigné leur complémentarité dans le cadre de l’opération Serval au Mali.
C’est la raison pour laquelle, selon les informations recueillies par le rapporteur, le COS, l’état-major des armées et l’état-major de l’armée de terre privilégient dans leurs travaux sur les modalités de renforcement des forces spéciales un effort sur certains axes précis d’amélioration de ses capacités relevant du COS : les moyens de commandement, les effectifs de commandos et la qualité des personnels. Comme le général de Saint-Quentin l’a confirmé au rapporteur, le COS lui-même n’est pas favorable à l’option de l’intégration d’un régiment complet au sein des forces spéciales, préférant renforcer les effectifs des unités existantes. Les renforcements capacitaires seront opérés de façon à conserver la cohérence d’ensemble des forces spéciales : rien ne leur servirait de disposer d’effectifs supplémentaires ou d’intégrer de nouvelles unités si elles n’avaient pas les moyens de mettre à leur disposition les équipements adaptés et d’assurer leur préparation opérationnelle dans de bonnes conditions – à cet égard, le rapporteur relève que le nombre d’heures de vol par équipage d’hélicoptère des forces spéciales est déjà sous tension.
En revanche, la cohérence entre les forces spéciales et les forces armées dans un contexte financier contraint doit être recherchée.
Aussi faut-il éviter les doublons.
Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, il n’est pas souhaitable que les forces spéciales développent en leur propre sein des capacités de pointe qui sont déjà disponibles dans les forces armées. À titre d’exemple, il faut une dizaine d’années pour former des spécialistes du déminage : il ne serait pas cohérent pour l’économie générale du budget de la Défense que les forces spéciales investissent dans le développement de telles capacités alors qu’elles existent d’ores et déjà au sein des armées.
L’exploitation des mutualisations possibles avec certaines unités des armées et d’autres services doit être privilégiée.
Il est d’autant plus important que le renforcement des forces spéciales passe par une meilleure articulation avec les éléments spécialisés les plus performants des forces conventionnelles – qui constituent le « deuxième cercle » des forces spéciales : commandos parachutistes, pilotes d’hélicoptères, etc. – qu’avec les déflations prévues, va se réduire le vivier de recrutement que constituent les forces conventionnelles pour les forces spéciales.
Aussi une synergie plus grande mérite-t-elle d’être recherchée avec la brigade parachutiste, la brigade de renseignement et la brigade d’infanterie de montagne, ainsi qu’avec des unités ayant des compétences rares : unités de guerre électronique, spécialistes du risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), équipes cynophiles, etc.
Ainsi, en somme, les forces spéciales se sont imposées depuis vingt ans comme une quatrième composante de toute opération d’envergure, sans avoir vocation pour autant à devenir une quatrième armée, comme elles le sont aux États-Unis.
Le général commandant du COS a lui-même estimé devant le rapporteur qu’une telle option serait déraisonnable, car inadaptée à notre modèle d’armée et au format des forces armées françaises.
Des adaptations à l’organisation actuelle devront garantir la satisfaction de leurs besoins, notamment en matière de programmation budgétaire, d’expérimentation et de mise en service opérationnelle des équipements.
L’option de recourir aux compétences rares comme celles des unités de guerre électronique démontre indéniablement la reconnaissance des savoir-faire spécifiques du domaine et de la qualité des services rendus par les "traqueurs d’ondes "du 54e RT et les "veilleurs de l’imprévu" du 44e RT.
Ce choix ne fait que conforter la légitimité des récompenses collectives attribuées aux deux régiments lors de la cérémonie mettant à l’honneur l’ensemble des régiments de la brigade de renseignement le 20 novembre dernier.
J-M D
Source : Commission de la défense nationale et des forces armées : Extrait du rapport 1433 du 10 octobre 2013 relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres